En 1856, un certain John Gray, jardinier de son métier mais au chômage, quittait avec sa famille la campagne écossaise pour tenter de survivre dans la capitale : Edinburgh… La chance fut avec lui car il trouva sans difficulté un poste de policier. Sa fonction prévoyait qu’il soit accompagné d’un chien de garde, et l’administration lui confia un chiot Skye Terrier, qu’il nomma Bobby. Tous les jours, John Gray prit sa permanence au château, accompagné de Bobby, et les habitants du quartier s’habituèrent à les voir, au coup de treize heures, annoncées traditionnellement par le canon, rejoindre une petite auberge où John prenait un repas frugal. Bobby profitait des restes du repas de son maître, et même y gagnait en supplément une brioche ! Ce bonheur tranquille hélas ne dura que deux ans, quand John Gray décéda de tuberculose. Le jour des funérailles, plusieurs témoins attestèrent avoir reconnu Bobby en tête du cortège funèbre. Une fois la cérémonie terminée, le chien ne réapparut pas, la famille du défunt crut qu’il s’en était allé…
C’est pourquoi, dès le lendemain, le gardien du cimetière de l’église de Greyfriars, où était enterré John Gray, fut très étonné de voir Bobby couché sur la tombe de son maître. Mais comme les chiens étaient interdits dans le cimetière, il l’en chassa. Néanmoins le jour suivant, Bobby était revenu ! L’homme avait beau le poursuivre, chaque matin il retrouvait Bobby revenu sur la tombe. Une telle constance et une telle obstination dans le souvenir ne pouvait qu’émouvoir le cœur d’un gardien, aussi endurci soit-il, qui finit par obtenir de la ville une dérogation qui permettait à Bobby de rester. Quelques jours plus tard, l’aubergiste eut la surprise de voir arriver, sous le coup de treize heures, Bobby ; tenaillé par la faim, il avait exceptionnellement quitté le cimetière, et venait chercher sa pitance. Qui lui fut donnée avec amour : quelques os et une brioche. A partir de ce jour, Bobby ne quitta plus la tombe de John Gray que pour aller chercher son repas.
L’histoire
de Bobby émut bientôt toute la ville, si
ce n’est toute l’Ecosse, et bien des familles
d’Edinburgh voulurent l’adopter… sans Enseigne
succès ! Bobby refusa toujours de se laisser
enfermer dans une maison, aussi accueillante
soit-elle. Exceptionnellement il accepta
la compagnie d’un soldat de la garde du
château, sans doute parce que l’homme prenait
ses repas à la même auberge qui continuait
de nourrir Bobby, qui revenait, sans traîner,
sur la tombe de son maître…
Les années passèrent sans que la fidélité de Bobby fléchisse… seize années exactement ! Quand un jour, vieux et épuisé par tant de veilles et sans doute de tristesse, Bobby ne retourna pas au cimetière après avoir pris son repas. Il resta auprès de la famille Trail, propriétaire de l’auberge. Le lendemain matin, après une froide nuit d’hiver 1872, on le retrouva mort. Bobby était allé retrouver John Gray, qu’il avait fidèlement veillé pendant quatorze années…
Il y a bien des histoires semblables de chiens fidèles, mais sans doute pas aussi émouvantes que celle de Bobby ! L’année même de sa mort, la baronne Burdett-Coutts fit construire une fontaine surmontée de la statue de Bobby, qui existe toujours. Bobby fait partie du circuit touristique organisé par la ville d’Edinburgh, un petit musée lui est consacré. La tombe de Bobby est la première que l’on voit en entrant dans le cimetière, à quelques pas de celle de John Gray, qu’un riche donateur américain a fait remettre en état. Mais à l’entrée du site, un panneau municipal rappelle qu’il est toujours interdit aux chiens d’entrer… |